PÍO
XII, Discurso A los peregrinos presentes en Roma para asistir a la solemne beatificación de Juana Delanoue (10 de
noviembre de 1947)
LE CORPS DU PAUVRE
EST LE CORPS DU CHRIST
EST LE CORPS DU CHRIST
Plus d'une fois, nous avons tous lu
dans la légende dorée de la charité quelqu'un de ces récits merveilleux, où le
Sauveur, secouru sous les traits du mendiant ou du lépreux qu'il avait
empruntés, apparaissait ensuite dans l'éclat très doux de sa gloire. Symbole
corporel d'une réalité spirituelle plus grande et plus belle encore.
Comme jadis, dans la nuit divine,
l'ange du Seigneur avait envoyé les bergers à l'étable de Bethléem: «Vous y
trouverez un petit enfant ... couché dans une crèche». Ainsi, sur la parole de
la pauvre Françoise Souchet, messagère du Seigneur, Jeanne Delanoue était allée
chercher, elle aussi, dans une étable, six pauvres petits enfants presque nus,
grelottants, gisants à terre avec leurs parents, tous consumés par la misère et
la maladie. De son mieux, elle nettoie et accommode le taudi; elle y porte en abondance
vivres et vêtements. Plusieurs fois par semaine, on peut la voir parcourir les
quatre kilomètres qui séparent Saint-Florent de sa maison, courbée sous le
poids d'un lourd panier. Les passants regardent avec surprise l'ancienne
mercière, naguère un peu vaniteuse et fort avare, dans sa rude tâche de
charité. Les uns admirent sa conversion et ils en bénissent Dieu, d'autres la
prennent pour une insensée, d'autres enfin sourient, un peu sceptiques, et
attendent de voir combien de temps elle persévérera dans son beau zèle, un feu
de paille croient-ils. Et à ceux qui lui demandent, intéressés ou narquois, où
elle va en telle hâte et si pesamment chargée, Jeanne répond: «Habiller et
nourrir mes petits jésus». On haussait les épaules et l'on passait sans
comprendre. Jeanne, elle, avait compris; elle était dans la vérité. Aucune
inclination spéciale, avouait-elle plus tard, ne la portait à secourir les
indigents, ni à s'intéresser à leurs misères. «Mais lorsque j'entends
Jésus-Christ dire dans l'Évangile: Tout ce que avez fait au moindre de mes
frères, c'est à moi que vous l'avez fait, je tremble de mériter ce reproche au
dernier jour: J'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger... Voilà ce qui
me porte à tout ce que j'entreprends, à tout ce que je fais».
Ce qu'elle fait? Mais c'est tout ce
que ferait quiconque saurait voir dans le pauvre, comme elle l'y voyait
elle-même: Jésus-Christ. Elle le traite, quel qu'il soit, comme elle eût traité
Jésus-Christ en personne, avec le même empressement dévoué, la même délicatesse
raffinée, la même vénération respectueuse.
Pour la même raison, rien ne l'arrête,
si grand que soit le nombre de ceux qui se présentent, si grande que soit
l'étendue de leur détresse, l'immensité de leurs besoins. C'est Jésus et, parce
que c'est Jésus, il ne peut jamais être question de l'éconduire, il doit
toujours trouver tout prêts le vivre et le couvert, on doit toujours avoir
place pour lui. On se serrera, on agrandira, on bâtira, on s'endettera,
qu'importe: «Mon Dieu, disait-elle, ce sont vos dettes; vous les acquitterez
quand bon vous semblera». Et le Père infiniment riche du divin Pauvre payait
toujours les dettes contractées pour son Fils. Des secours imprévus arrivent du
dehors, à point nommé. Les obstacles les plus insurmontables tombent d'eux
mêmes. Le pain, l'étoffe, l'argent se multiplient entre ses doigts. Comment
suffire à sa tâche sans cesse grandissante: elle n'a que ses deux bras. De
vaillantes compagnes lui apportent les leurs, et voici un nouvel Institut religieux
que bientôt l'autorité ecclésiastique approuve et que le peuple appelle
spontanément la Providence et, sans beaucoup tarder, la Grande-Providence.
À la mort de Jeanne Delanoue, la
Congrégation de Saint-Anne de la Providence avait déjà pris un développement
considérable. Sur elle, comme sur toutes les familles religieuses, la
bourrasque révolutionnaire a passé, mais sans la détruire. Depuis, le zèle et
la charité ont dû faire front sans relâche aux épreuves multiples et variées,
conséquences des persécutions, des guerres, des crises de toutes sortes. Et
néanmoins, continuant saintement et développant l'œuvre de votre Mère, vous
travaillez dans un grand nombre de maisons, toujours, comme elle, au service
des pauvres.